Y aura-t-il un « no landing » en 2023 ?
Monthly House View - Février 2023 - Télécharger ici
Au pic du pessimisme, en juillet 2022, le mot « récession » a été cité plus de 50 000 fois dans des articles sur Bloomberg. Nous avons connu ces 12 à 14 derniers mois des révisions macroéconomiques constamment négatives et le consensus a revu systématiquement les chiffres de croissance de 2022 et 2023 à la baisse ainsi que l’inflation à la hausse. Au bout d’un moment, le momentum se calme et s’inverse. La vraie question est de savoir si nous sommes arrivés à ce point d’inflexion.
En 2023, le consensus prévoit un soft landing de l’économie mondiale avec un ralentissement sans récession. Est-ce réellement crédible ? Finalement, le risque n’est-il pas d’avoir un no landing ? Il est possible que la croissance réaccélère beaucoup plus vite que prévu et ceci grâce notamment à l’impulsion de la Chine et une consommation américaine moins fragile dans un contexte de désinflation. En effet, l’Europe flirte avec la récession, mais le premier trimestre pourrait bien nous surprendre, positivement aidé par ces facteurs et par un hiver moins rigoureux qu’attendu.
Cela règle-t-il pour autant tous nos problèmes et notamment ceux liés à la hausse des taux
et de l’inflation ?
En partie seulement, car dans l’environnement actuel, le temps de transmission de la hausse des taux sur l’économie réelle est vraisemblablement rallongé par rapport à ce que nous avons connu historiquement et la magnitude de son impact sera probablement plus modérée :
- En effet, une majorité de ménages américains et de la zone euro sont endettés à taux fixe sur le long terme et ne sont donc pas impactés par cette hausse des taux d’emprunt immobilier. Alors que les taux d’emprunt immobilier à 30 ans aux États-Unis sont remontés de 3,5% pré-COVID à 6,5% aujourd’hui, seulement 10% des ménages sont emprunteurs à taux variable (vs 35% avant la crise de 2008).
- De plus, le niveau d’endettement des ménages est plus faible qu’avant pandémie (à 66% du PIB contre 85% 2008).
- Le marché du travail reste également un soutien. Avec 3,5% de chômeurs aux États-Unis, nous sommes revenus sur des niveaux qui prévalaient quand le premier homme a posé le pied sur la lune !
- Enfin, les entreprises émettrices d’obligations aux États-Unis et en Europe auront moins de pression liée au remboursement de leurs dettes arrivées à l’échéance cette année.
Concernant l’inflation, la situation devrait s’améliorer. Notre scénario est celui d’un scénario en racine carrée dans le sens où l’inflation peut baisser beaucoup plus rapidement que prévu à court terme concernant les facteurs les plus volatiles (énergie, etc.) pour des raisons liées aux effets de base, à un hiver plus clément en Europe, pour des raisons d’offre qui augmente (réouverture de la chine) et de demande qui décélère un peu dans les pays développés. Par contre, à terme, notre vision est celle d’une inflation qui se stabiliserait à un niveau beaucoup plus haut que ce qu’envisagent les banques centrales. Alors que beaucoup de banques centrales des pays émergents (hors Chine) vont surement commencer à baisser leurs taux directeurs cette année, les banques centrales européenne et américaine vont probablement également adoucir leur discours restrictif concernant les taux.
L’élément clé reste la Chine, qui, malgré des sujets de désendettement long terme, est en train de se rouvrir avec un fort potentiel pour la consommation interne à court terme. Par exemple, le touriste chinois est le premier consommateur au niveau mondial : c’est deux fois la consommation du touriste américain en 2019. Nous sommes actuellement très loin du potentiel d’avant-crise. D’après des sondages, les Chinois vont prendre beaucoup plus de semaines de vacances qu’habituellement à partir des vacances du Nouvel An chinois et pourraient se mettre à consommer fortement comme les américains ou les européens l’ont fait lorsqu’ils sont sortis de la période de confinement. La Chine va ensuite normaliser sa capacité de production et cela devrait tirer l’économie mondiale.
Monthly House View, paru le 20/01/2023 – Extrait de l'Editorial
30 janvier 2023